Vivre avec des allergies alimentaires… un défi au quotidien!

Une famille cuisine ensemble

Par Valérie Vaillancourt, Dt.P., diététiste à Référence nutrition .

Qu’il s’agisse d’un ou de plusieurs aliments, une chose est certaine : manger lorsque l’on souffre d’allergies alimentaires peut devenir très complexe. La vigilance est de mise, car une seule bouchée suffit pour compromettre sa santé. Comment faire pour s’en sortir?

  • Au Canada, 1 personne sur 2 connaît quelqu’un qui souffre d’une allergie alimentaire grave.1
  • Plus de 3 millions de Canadiens ont des allergies alimentaires, dont 600 000 enfants.1
  • Sur un aliment emballé, indiquer les allergènes dans la liste des ingrédients est obligatoire. Mais la mention « peut contenir » est facultative.1

Qu’est-ce qu’une allergie alimentaire?

Comment se fait-il qu’une simple noix représente une délicieuse collation pour certains, et un danger mortel pour d’autres? C'est parce que le système immunitaire de la personne allergique est défaillant et qu’il s’emballe.

Bien qu’il existe plusieurs types d’allergies alimentaires, le processus de base est le même. Lorsqu’une personne allergique s'expose à son allergène, soit une protéine alimentaire bien spécifique, son système immunitaire réagit de façon inappropriée et excessive. S’en suivent des symptômes qui peuvent aller du simple désagrément (démangeaison, irritation, inflammation…) à des symptômes plus sévères (enflure, baisse de pression, vomissement…). Le pire? Une réaction anaphylactique grave qui atteint les voies respiratoires et provoque une enflure généralisée. Sans traitement immédiat, l’anaphylaxie peut se révéler mortelle.1

Peu importe le type d’allergie alimentaire, il n’y a qu’une seule règle à suivre : éviter l’allergène en cause en tout temps. Et c’est là que ça se complique! C'est difficile de savoir quel produit contient (ou pourrait être contaminé) par une substance. Lorsque cela implique plus d'un allergène, choisir des aliments sécuritaires devient encore plus complexe. Et si c'est un défi pour un adulte, imaginez pour un enfant!

Les allergies alimentaires ne sont donc pas un caprice, mais un enjeu de santé sérieux. Elles nécessitent beaucoup de vigilance de la part de la personne allergique, mais aussi de son entourage.

Les différents types

L’allergie alimentaire la plus connue est induite par des anticorps nommés immunoglobulines de type E (IgE). C’est elle qui entraîne un risque d’anaphylaxie. Les symptômes apparaissent rapidement : de quelques minutes jusqu’à 2 heures suivant le contact avec l’allergène. La réaction est imprévisible et peut être sévère, voire mortelle, en l’absence d’injection d’épinéphrine. En effet, l’auto-injecteur d’épinéphrine est le seul traitement efficace contre une réaction anaphylactique sévère.2

Le syndrome de l’allergie orale ou syndrome pollen-aliment est également une allergie induite par les IgE. Cependant, les symptômes associés sont différents. Ils se limitent habituellement à la région péribuccale (bouche, lèvres et gorge). Ce syndrome touche les personnes qui sont aussi allergiques à certains types de pollen. L’allergène provient généralement de fruits, de légumes ou de diverses noix et graines. Seulement 1 à 2 % des gens atteints peuvent développer une réaction anaphylactique.3

Des formes d’allergies non induites par les IgE existent aussi. Elles affectent principalement le système gastro-intestinal des bébés et disparaissent habituellement vers l’âge de 12 à 24 mois.

Enfin, certaines allergies peuvent être mixtes, c’est-à-dire qu’elles combinent les deux types de réactions allergiques. L’œsophagite à éosinophiles en est un bon exemple. C'est une maladie chronique causée par une allergie qui provoque une inflammation de l'œsophage.

La maladie cœliaque, quant à elle, est induite par un autre anticorps appelé anti-transglutaminase (ATG). C’est l’ingestion de gluten, une protéine présente dans plusieurs grains céréaliers, dont le blé, qui pose un problème. Une biopsie ou des prises de sang sont requises pour obtenir un diagnostic clair.

Une personne subit des tests d'allergie

Qui est à risque?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la réaction allergique ne survient pas dès la première exposition à l’allergène. Au premier contact, le système immunitaire prend connaissance de la substance. C’est ce qu’on appelle la phase de sensibilisation. C'est lors des expositions subséquentes que la réaction allergique peut se déclencher. Voilà pourquoi certaines personnes développeront des allergies au cours de leur vie. Le fait d'avoir un système immunitaire immature explique aussi pourquoi les tout-petits se débarrassent parfois de certaines allergies en grandissant.

Alors, qu’est-ce qui nous rend plus à risque de développer une allergie? Chez les enfants, on a identifié 4 facteurs :

  • Souffrir d’eczéma sévère
  • La génétique, c’est-à-dire avoir au moins un parent, un frère ou une sœur qui souffre d’une forme d’allergie quelconque (allergie alimentaire, rhinite allergique, eczéma, asthme)
  • L’introduction tardive des aliments allergènes dans notre alimentation
  • Un milieu de vie aseptisé, c’est-à-dire trop propre, et où l'on a peu de contact avec différents microorganismes (bactéries, virus…)

Plus d’études sont nécessaires afin de déterminer quels sont les facteurs de risque pour développer une allergie alimentaire à l’âge adulte. À ce jour, les changements hormonaux importants, comme la ménopause, sont les seuls identifiés.

Les allergènes à surveiller

La plupart des aliments contenant des protéines, même en infime quantité, peuvent déclencher des réactions allergiques. D'ailleurs, selon les études, plus de 160 aliments peuvent provoquer une réaction sévère.

Cela dit, les allergènes les plus problématiques diffèrent d’un pays à l’autre.4 Par exemple, en France, le céleri et le lupin sont des allergènes reconnus. Ici, Santé Canada répertorie 9 allergènes « prioritaires », car ils seraient responsables de plus de 90 % des réactions allergiques sévères :

  • arachides
  • blé
  • fruits de mer (mollusques et crustacés)/poisson
  • lait
  • moutarde
  • noix
  • sésame
  • soya
  • œufs

Depuis 2012, Santé Canada exige que les 9 allergènes prioritaires soient clairement indiqués dans la liste des ingrédients des aliments préemballés. On autorise aussi la mention « Contient : … » sous la liste. Or, cette loi ne s’applique pas dans les cas où le produit aurait pu entrer en contact avec l’allergène, sans toutefois faire partie des ingrédients. Par exemple, le fabricant d’un caramel mis en pot sur la même chaîne de montage que du beurre d’arachides n’est pas tenu d’indiquer la mention « Peut contenir des arachides » sur son étiquette. Les personnes allergiques doivent donc toujours rester vigilantes. Elles doivent souvent s’informer directement auprès des fabricants pour valider les processus de fabrication. Songez à leur fardeau si elles réagissent à des allergènes non prioritaires (ex. : maïs, tournesol, légumineuses…) ou encore à plusieurs aliments!

Quelques conseils pour s’en sortir

De nombreux petits gestes peuvent limiter le risque d’exposition à un allergène. Si les personnes allergiques apprennent vite à les appliquer, l’entourage peut aussi collaborer pour leur faciliter la vie. En voici quelques-uns :

Se laver les mains avant et après le repas

Il n’y a pas d’eau ni de savon à proximité? Utiliser alors une lingette humide. Attention toutefois au gel désinfectant. Ceux-ci ne délogeront pas les traces de protéines.

Valider les ingrédients

En cuisine, on doit toujours s’assurer que le ou les allergènes ne se retrouvent pas dans la liste des ingrédients. C’est vrai pour tous les aliments emballés, incluant les épices. Il faut souvent valider le processus de fabrication directement auprès des fabricants.

On ne prend pas le risque!

Si on prépare une recette et qu’on croit l’avoir contaminée avec un allergène, mieux vaut recommencer. Par exemple, retirer les quelques noix ajoutées à une salade par mégarde n’est pas sécuritaire. Il faut faire une autre salade.

On ne partage pas

S’abstenir de picosser dans l’assiette ou de boire dans la bouteille d’une autre personne. On ne sait jamais si l’on a mangé un aliment allergène avant. Eh oui! L’allergène peut demeurer plus d’une heure dans la salive!

Prévoir le service

Dans un buffet, permettre à la personne allergique de se servir en premier. Ainsi, on la protège, en cas d’échange d’ustensiles et donc de contamination entre mets. On peut aussi tout simplement renoncer aux buffets et s'occuper du service.

Tout laver!

Ustensiles, casseroles, vaisselles… aucun aliment ne doit rester collé ou desséché sur leur surface. Cela peut suffire à provoquer une réaction allergique. Même chose pour les surfaces (comptoirs, tables, planches à découper…). Elles doivent être lavées à l’eau savonneuse, avec un nettoyant ou des lingettes du commerce.

Penser à des espaces privilégiés

Réserver l’usage d’un grille-pain ou d’autres outils en cuisine pour les personnes allergiques, ainsi qu’un espace de rangement clairement identifié. S’assurer que des produits de nettoyage comme ceux mentionnés ci-dessus sont aussi disponibles en tout temps.

Ne pas se vexer

Si la personne allergique préfère apporter son propre repas ou encore commander auprès de traiteurs « sans allergènes », ce n’est pas pour offenser! D'ailleurs, cette option pourrait être grandement appréciée.

Immunothérapie orale: un traitement prometteur!

Depuis quelques années, l’immunothérapie orale (ITO) procure un peu d’espoir aux personnes qui vivent avec de nombreuses allergies. Ce traitement vise à désensibiliser progressivement le système immunitaire aux différents allergènes. Ainsi, la personne peut esquiver les réactions extrêmes et réintégrer ces allergènes dans son alimentation.

L'ITO se fait en clinique et sous la haute supervision de spécialistes. Il consiste à ingérer de minuscules doses, calculées avec précision, de l’allergène. On détermine ainsi la plus petite dose tolérée par l’individu. Ensuite, on augmente progressivement la dose sans provoquer de réaction, jusqu’à atteindre une portion normale de l’aliment.

À ce jour, on a réussi à désensibiliser des personnes âgées de 9 mois à 56 ans. Cependant, on ne peut offrir l’ITO que pour les allergènes reconnus. Il est possible de traiter jusqu'à 5 aliments à la fois.5

Des tests aux conclusions douteuses

Plusieurs entreprises proposent différents tests ou analyses pour identifier des intolérances alimentaires : analyse de cheveux, taux d’IgG… Pourtant, la Société canadienne d’allergie et d’immunologie clinique est claire : aucune donnée scientifique valable n'existe pour appuyer l’utilisation de ces tests dans l’investigation d’une allergie ou d’une intolérance alimentaire.6

Malgré les belles explications entourant les conclusions de ces tests, ceux-ci demeurent hautement controversés. Plusieurs experts émettent de sérieux doutes sur leur pertinence. Vous croyez avoir eu une réaction allergique? Au lieu de dépenser votre argent inutilement, consultez d'abord votre médecin.

En bref

Les allergies alimentaires ne sont pas des caprices, mais bien des réactions excessives du système immunitaire. Elles peuvent même mettre en péril la vie de la personne allergique. Éviter le ou les allergènes reste la seule manière de se protéger. Dans ce contexte, réussir à s’alimenter normalement et de façon sécuritaire s’avère un défi quotidien pour les gens affectés. Adopter de bons réflexes et rester vigilants est essentiel. En outre, l’entourage aussi peut participer et choisir des comportements qui faciliteront les choses.