Parcs éponges : la solution verte contre les inondations urbaines

Ah, le Québec! Soit on manque de pluie, soit on en a trop. On peut traverser de longues périodes au sec, mais recevoir des trombes d’eau en quelques minutes. C’est là que nos infrastructures montrent leurs limites. Conséquences? Des rues inondées et des dégâts d’eau. Pour y remédier, de plus en plus de villes troquent le béton pour la verdure en aménageant des parcs éponges, des espaces verts qui rafraîchissent les quartiers, en plus d’absorber l’eau lors des fortes pluies.

Quand l’eau n’a plus d’endroit où aller

Rues asphaltées, trottoirs bétonnés, stationnements: nos villes sont couvertes de surfaces imperméables qui empêchent l’eau de s’infiltrer naturellement. Elle se dirige donc vers les égouts, souvent conçus à une époque où les pluies extrêmes étaient plus rares. Mais avec les changements climatiques, on est rendus ailleurs.

En quelques heures, les conduits sont saturés et nos rues se transforment en rivières. L’eau finit par s’inviter là où on la redoute le plus, comme dans les sous-sols des commerces et des habitations, et par causer des dégâts matériels. Qui en assume la facture? Toute la collectivité.

Troquer le béton pour la verdure

Plutôt que d’agrandir sans fin les réseaux souterrains, on peut offrir à l’eau un endroit où aller : un parc éponge.

Sous son apparence de parc ordinaire se cachent des sols perméables, des fossés végétalisés, des bassins discrets et des zones en creux capables de retenir l’eau temporairement.

Comment ça fonctionne, un parc éponge?

  1. L’eau de pluie est captée par le parc, dirigée naturellement par la pente du terrain ou par des noues végétalisées plutôt que vers les égouts.
  2. En traversant la végétation et les couches de sol, elle est filtrée et se débarrasse de ses sédiments, huiles et autres polluants.
  3. Elle est ensuite stockée temporairement dans des zones en creux, le temps que l’orage passe.
  4. Elle s’infiltre lentement dans le sol, s’évapore grâce aux plantes ou rejoint graduellement les égouts à un rythme contrôlé.

Dans le fond, c’est simple : on évite de tout envoyer d’un coup dans des tuyaux déjà saturés. On laisse la nature absorber, filtrer et relâcher l’eau à son propre rythme.

Pourquoi c’est gagnant pour les municipalités?

Pour les municipalités qui jonglent avec des budgets serrés et des infrastructures fatiguées, les parcs éponges cochent plusieurs cases :

  • Réduction des coûts : moins de camions de pompage et moins de réparations d’urgence qui déséquilibrent le budget
  • Protection des infrastructures existantes : des égouts et des stations de pompage moins sollicités durent plus longtemps
  • Tranquillité pour les citoyens et chefs d’entreprises : moins de dommages aux propriétés et des valeurs foncières qui se maintiennent mieux
  • Espaces multifonctionnels: parcs utilisés quotidiennement pour les loisirs, le sport, la détente
  • Bénéfices environnementaux mesurables : réduction des îlots de chaleur urbains, retour de la biodiversité (oiseaux, pollinisateurs, petite faune)
  • Accès au financement : programmes de subventions provinciales et fédérales qui ciblent spécifiquement les infrastructures vertes et l’adaptation climatique
  • Positionnement stratégique : image d’une municipalité proactive qui anticipe, innove et s’adapte aux défis climatiques

Des parcs éponges québécois

Montréal compte déjà 7 parcs éponges, capables de retenir plus de 2 M de litres d’eau. Ce n’est pas rien!

  • Parc Pierre-Dansereau (Outremont) – Inauguré en 2022, il peut retenir jusqu’à 627 000 litres d’eau de pluie. Cet espace multifonctionnel, à la fois lieu de loisirs et d’ingénierie verte, illustre parfaitement comment un parc peut devenir une infrastructure de résilience urbaine.
  • Parc Howard (Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension) – Situé en milieu dense, il offre une capacité de 624 000 litres. Ce projet montre qu’un aménagement de taille modeste peut avoir un impact significatif et inspirer d’autres quartiers.
  • Parc Pierre-Bédard (Mercier–Hochelaga-Maisonneuve) – En construction, ce projet d’envergure prévoit de retenir près de 4 000 m³ d’eau (4 M de litres), pour un investissement estimé à 16 M$. Une démonstration que les parcs éponges peuvent s’appliquer à grande échelle.

À Québec, l’initiative Québec, ville éponge, portée par le Conseil régional de l’environnement, transforme progressivement la capitale en laboratoire de gestion durable de l’eau. Jardins de pluie, noues végétalisées et stationnements perméables, comme celui du boulevard Père-Lelièvre, permettent de retenir l’eau à la source tout en verdissant les quartiers. Un bel exemple d’urbanisme qui allie écologie et qualité de vie.

Et le mouvement s’étend : plusieurs autres municipalités québécoises testent ou déploient déjà des solutions semblables, souvent appuyées par des programmes de subventions et des partenariats environnementaux.

Et pourquoi pas sur votre terrain?

Les parcs éponges, ce n’est pas réservé qu’aux grands projets municipaux. Les mêmes principes peuvent très bien s’appliquer à plus petite échelle, autour d’immeubles à logements ou de condos. Avec quelques aménagements simples, comme des jardins de pluie, des fossés végétalisés et des pavés perméables, on peut :

  • réduire les infiltrations dans les sous-sols
  • protéger les stationnements et les fondations
  • rendre le terrain plus agréable et plus frais
  • préserver la valeur de l’immeuble

Sans compter que plusieurs municipalités, avec l’appui de programmes gouvernementaux provinciaux, accordent des subventions pour ces installations. Avis aux propriétaires immobiliers et aux syndicats de copropriété!

L’inspiration internationale

Le concept de parc éponge s’inscrit dans un mouvement plus large : celui des « villes-éponges » (sponge cities). Lancé en 2013, le programme chinois intègre à grande échelle des infrastructures vertes : noues, jardins de pluie, toits verts et surfaces perméables.

Les études montrent que ces mesures permettent de réduire le ruissellement de surface de 20 à 30 %. À Shanghai, 23 parcs combinant gestion des eaux pluviales et aménagements de loisirs démontrent à quel point cette approche maximise les bénéfices environnementaux, économiques et sociaux.

Ce n’est plus une expérimentation marginale ni une mode passagère : c’est une tendance mondiale appuyée par des résultats mesurables et des données probantes.

Du gris au vert

Les solutions 100 % « grises », comme les canalisations massives, les égouts géants, les réservoirs souterrains en béton, coûtent cher à construire et à entretenir, et atteignent leurs limites. L’avenir passe par une combinaison d’ingénierie traditionnelle et de solutions naturelles.

Les parcs éponges créent ce pont entre les deux mondes : ils ne remplacent pas les infrastructures existantes, ils les complètent et les soulagent. Et franchement, entre agrandir un égout souterrain pour des millions de dollars et aménager un beau parc qui fait le même travail tout en offrant des espaces verts à la communauté, le choix est évident.

Mieux vaut travailler avec la nature que contre elle, et créer des villes où il fait bon vivre, même quand le ciel nous tombe sur la tête.